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29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 22:11

 

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Ce jour, en ville :

Vu le défilé du jour.  Les trams déversent  le flot des corps,  les îles qui les suivent sont des âmes.

Senti le sang qui circule avec les gens.

Chez elle: une femme de 90 ans cherche son carnet de notes, et des écheveaux de fil qu'elle avait posés sur la table.

Dehors : un  manège  vide tourne devant le centre commercial (les enfants sont à l'école).

Dehors, dedans, les fils s'embrouillent, réseaux routiers, vie confuse des idées,  réunions,  conférences,  issues de secours.

La vieille femme a été une "demoiselle du téléphone"  puis une employée des chèques postaux.

Ce jour à la pause, des conférenciers s'isolent aux toilettes.  Pendant ce temps, l'info s'en va jusqu'au Data Center.

 

D'abord opératrice, puis affectée au centre de tri postal. Les lettres ne devaient jamais se perdre.

Les notes, les carnets, les livres sont périssables. Tout support d'information est périssable. Les corps aussi sont périssables.

L'information disparaît avec la mémoire.  L'ADN a une jolie forme d'échelle entortillée, comme un écheveau de soie à plusieurs brins.  L'ADN se transmet.  Mais beaucoup de femmes des chèques postaux sont restées célibataires et n'ont pas transmis leur ADN.

Standard manuel, des voix se croisent, anxieuses, impérieuses: messages urgents, perdus,  rendez-vous manqué, amour qui s'envole. Cela fait un bruit terrible. Cacophonie du monde. Energie aussi. Communiquer est vital.

Mais vraiment,  à qui s'adresse celui qui parle ? Celui qui écrit ? A quoi riment ces lâchers de ballons ?

Aujourd'hui, l'aide à domicile à envie d'entendre l'histoire. Elle pose son balai et s'assoit pour écouter. (Et se demande : tout de même, une vie entière sans homme est-ce que c'est possible?)

Les postiers qui acceptaient les déplacements se  rendaient dans tous les petits bureaux des zones rurales, dormaient dans des logements de fonction fournis par les mairies, percevaient des primes pour cela. Les postières également.

Des données filent.

 Data Center.

Finalement, à la soixantaine : de l'argent, des voyages à l'étranger (bibelots asiatiques que l'aide à domicile époussette parfois), un patrimoine acquis.  Trente années glorieuses n'y furent pas pour rien.

Dehors sur un banc : un homme seul lit un recueil de nouvelles de Borges :" Le livre de sable". Il cherche à savoir si un livre pourrait contenir le monde. Où vont toutes les données du monde ? Qui les veille ?

La demoiselle a beaucoup aimé sa mère et l'a assistée dans ses vieux jours. La mère paysanne qui avait autorisé sa fille à travailler, à gagner une belle position sur l'échelle sociale, qui n'avait pas insisté pour qu'elle se marie. Et parfois maintenant, la fille appelle sa mère,  ne se souvient pas qu'elle a disparu. La nuit surtout, elle appelle : "Maman… Maman…" hagarde, en chemise de nuit, seule dans l'appartement.

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Livre croisé en route :

 

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