24 mars 2012
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Dans la boîte où sont conservés les articles de journeaux consacrés à Poucet 94, se trouvent aussi des cartes postales.
La plus ancienne présente une vue médiocre de la gare de Valence,
et c'est bien de cette ville qu'elle a été postée. La date et le cachet font foi.
La carte est adressée à sa mère mais celle-ci ne l'a jamais reçue. Les libellés, sur la partie réservée à l'adresse, sont dérisoires. Ils ont été tracés en lettres capitales, d'une écriture très neutre sous la dictée de l'enfant illettré :
CHANTAL- AUTOROUTE D' ESPAGNE
Qui a écrit pour lui ? Quel inconnu, quel frère, quel compagnon de route ?
Les quais de cette gare inaugurent -- pour autant que les pièces du puzzle aient été correctement assemblées -- le point de départ de la dispersion familiale.
C'est ici en tout cas que les frères se séparent pour la première fois et que se perd à jamais la trace de Bernard.
Mais ce qui est bien plus fascinant, c'est l'étrange pouvoir de la lettre V , pouvoir dont l'enfant semble avoir fait usage tout au long de son aventure. Lui qui ne savait pas lire (mais je pense qu'il était sur le point de parvenir à déchiffrer) semble avoir été fasciné par la forme de cette lettre, qu'il retrouvait partout.
C'est également une série de V maladroits, tremblotés et de différentes tailles, qui occupent l'espace de cette première carte.
Autour de lui, ce jour là, la lettre V se montrait partout, facétieuse, démoniaque, et à la nuit tombée elle était encore présente, y compris sur le fronton de la gare.