Vanité
Un hippopotame avide boit le lac de nos rêves.
Ce géant nous cache le ciel et va cogner les murs comme un taureau furieux.
Nous, sur la plage, grains de sable assez petits pour voir le ciel propre et beau, avec ses trains de nuages.
En novembre
Pas encore le droit de voler
Ce n’est pas de notre ère.
Pour le moment,
Des pélicans nous servent sur plateau,
Les ascenseurs s’arrêtent au bord du vide
Nous pendus aux poulies
Des poids aux pieds.
"A l'ombre des jeunes filles en fleurs"
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Nous revenons vers le paysage marin pour dire et redire combien il nous fascine par sa géographie des territoires sans nom, ce qui signifie voyage en terre de l'infini, mais aussi lâcher prise, comme petit bateau de papier journal lâché sur les flots. Nous ne parlerons pas de la mer-terrain d'aventures, de la mer sportivement maîtrisée. Nous ne parlerons pas de courses, pas de pêcheurs, ni de matelots, ni même de bateaux. Ici notre humanité gonflée d'orgueil se fera assez petite pour se fondre dans une lente contemplation, totalement dédiée à l'observation du mouvement perpétuel, comme temps qui s'abolit et se mue parfois en un instant d'éternité.
P.J.
"A l'ombre des jeunes filles en fleurs. "
Ici il faut dès à présent renvoyer les lecteurs insatisfaits de cette inaction à d'autres anthologies, nourries de connaissances que nous n'avons pas.
Dans notre recueil on-ne-peut-plus subjectif de paysages littéraires maritimes, nous parlerons de mer-noyade, noyade dans l'éternité de l'instant, dans l'incertitude des contours, dans le mensonge des frontières.
Nous ne parlerons pas de boussoles mais du plaisir de se perdre.
Ainsi, la matière mouvante qui ne se peut fixer en une forme définitive, nous n'en percevrons jamais tous les angles, mais au moins ceux que le soleil, par intermittences, nous désignera.
Ainsi les facettes innombrables de l'image maritime ne seront jamais parfaitement capturées, si ce n'est par le pinceau d'un Eltsir, comme un regard vif au-delà de ce qui se fige, ou par l'intelligence d'une pensée écrite qui réfracte son image sur la profondeur insondable de sa propre sensibilité aux vagues de la nature.
P.J.
Mais le père de Poucet aurait été abandonné par une famille d’oiseaux migrateurs car il ne pouvait pas suivre. Et justement, les oiseaux migrateurs échappent sans cesse aux repérages, piquant entre les mailles de l’espace, au-dessus des nuages, au fond des abysses du ciel, au travers des flèches de pluie, sans souci des abscisses, sans souci des ordonnées.
C’est pourquoi Virgile n’avait pas de nom de famille.
Il fut Noé, père fondateur d’une nouvelle histoire, heureux de marcher sur les routes avec sa progéniture; des routes où ils allaient perdus, ignorants du monde, des cartes, des pièges, des lois humaines. Un homme heureux qui marchait en sifflant.
C’est pourquoi devant les caméras, devant les juges, il ne sut jamais rien dire d’autre, que ceci:
«...J’faisais confiance à mes ch’tiots. J’savais qu’y rviendraient. »
Car la notion d’abandon, aussi bien que l’idée de séparation, étaient absente de son esprit.
pour les migrateurs, la séparation est une donnée tout aussi inévitable et concrète que la couleur du ciel. En même temps, elle est sans cesse abolie par le croisement et le retour.
Nicolas de Staël - Paysage Antibes- 1954
Virginia Woolf - Mrs Dalloway - Folio classique - p111
Kasimir Malévitch - Carré blanc sur fond blanc - 1918
Le suprématisme, écrit Malévitch, c’est la peinture de la sensation pure, la blancheur infinie, le sentiment de l’absence d’objet. Le carré blanc apparaît comme l’impulsion vers les fondements de la construction du monde…